En matière de vente d’immeuble, la précipitation peut nuire à l’acquéreur. C’est pourquoi le législateur n’a eu de cesse que de développer …
En matière de vente d’immeuble, la précipitation peut nuire à l’acquéreur. C’est pourquoi le législateur n’a eu de cesse que de développer et de renforcer la protection de l’acquéreur immobilier. Cette volonté de protéger la partie réputée faible à une transaction immobilière s’est manifestée, pour la première fois, dans la loi du 3 janvier 1967 en matière de vente d’immeuble à construire. Puis, la loi du 13 juillet 1979 dite loi Scrivener, est intervenue relativement à la protection de l’emprunteur immobilier en vue de l’acquisition d’un immeuble. C’est ensuite la loi du 31 décembre 1989, dite loi Neiertz, relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, qui a prévu une faculté de rétractation en cas d’acquisition ou de construction d’un logement neuf.
Dans le sillage de ces textes, le législateur est intervenu par la loi du 13 décembre 2000 relative à la sécurité et au renouvellement urbains, en instaurant un nouveau dispositif de protection dans l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation. L’article 72 de la loi dite SRU retient alors une technique inspirée du droit de la consommation et institue un délai de rétractation ou de réflexion de sept jours au profit de l’acquéreur non professionnel d’un immeuble. Le but de la loi était d’étendre aux acquisitions de logements anciens le délai de rétractation jusqu’ici réservé aux seuls acquéreurs de logements neufs. Ainsi la protection de l’acquéreur est élargie puisque celle-ci joue désormais qu’il s’agisse d’immeubles neufs ou anciens. Il convient de souligner que ce texte est d’ordre public, ce qui implique que les parties ne peuvent y déroger.
Finalement, la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006, dite loi ENL, a en partie modifié le dispositif initialement édicté par la loi SRU. L’article L.271-1 du CCH dispose aujourd’hui que l’acquéreur non professionnel peut se rétracter durant sept jours de « tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation, ou la vente d’immeuble à construire ou de location accession à la propriété immobilière ».
Ce texte a laissé planer beaucoup d’incertitudes et des précisions ont dû être apportées quant à l’application de cette disposition. Cependant, certaines modalités restent d’application délicate. Ainsi, il convient ici de s’interroger sur la portée du nouvel article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation. Autrement dit, que recouvre l’article L.271-1 CCH à la lumière de la loi ENL du 13 juillet 2006 ? Quels changements a apportés la loi ENL ? Le décret n° 2008-1371 du 19 décembre 2008 a imposé en cas de remise en mains propres la mention manuscrite … l’arrêt rendu par la 3° chambre de la Cour de Cassation le 26 janvier est venu « semer le doute » … qu’en est-il ?
Nous étudierons tout d’abord le champ d’application de ce système de protection (I) avant de nous attacher à la mise en œuvre du délai de rétractation (II), puis d’exposer les cas particuliers et les précisions apportées par les réponses ministérielles et la jurisprudence de la Cour de Cassation ? (III).
I- Le champ d’application de la protection de l’acquéreur immobilier
Concernant le champ d’application de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, il convient d’étudier dans un premier temps les personnes protégées (A), puis les actes visés (B) et enfin les biens concernés (C).
A- Les personnes protégées
Conçu comme un mode de rétractation de certains acquéreurs, l’article L. 271-1 réserve le droit de rétractation aux non-professionnels partie à un acte ayant pour objet une acquisition immobilière. De fait, seul l’acquéreur non professionnel est visé par cet article. Mais que faut-il entendre par acquéreur non professionnel ? La loi a pour but de permettre au « consommateur immobilier » de manifester son consentement libre et de façon éclairée. Le non-professionnel est, selon la définition habituelle, « celui qui ne fait pas profession de », c’est-à-dire celui qui ne passe pas l’acte considéré ni d’une façon habituelle, ni dans le but d’en tirer un profit commercial. Cela concerne donc les acquéreurs qui achètent un logement pour leurs besoins personnels, qu’il s’agisse de leur habitation principale ou d’une résidence secondaire. Ainsi, il y a lieu de retenir comme critère le lien entre l’opération immobilière et l’activité professionnelle de l’acquéreur. On peut donc en déduire que, en principe, un marchand de biens dénommé opérateur écoomique depuis la loi Warsmann applicable depuis le 11 mars 2010, ou un professionnel de l’immobilier ne bénéficient pas de la protection. Cependant, un professionnel de l’immobilier achetant pour lui-même et en dehors de son activité, un bien immobilier à titre personnel peut bénéficier de la protection de l’article L. 271-1. De même qu’en est-il d’un particulier achetant un immeuble pour le louer et en tirer des revenus ? Dès lors qu’il s’agit d’un immeuble d’habitation, et que la location n’est pas devenue une activité professionnelle, cet acquéreur semble pouvoir bénéficier de la protection de l’article L.271-1,sauf s’il s’agit d’une activité habituelle.
De plus, la loi ne distingue pas selon que cet acquéreur est une personne morale ou une personne physique. Il semble donc que l’acquéreur non professionnel ne soit pas forcément une personne physique. On pense par exemple à une société civile immobilière familiale constituée pour réaliser une opération isolée, ou dans un but patrimonial, celle-ci peut alors être qualifiée d’acquéreur non professionnel. Il faut bien regarder l’objet social. ( CA.Paris 5 novembre 2009, pôle 4, ch.1, n° 2007/20117). Les Sociétés Civiles de Construction vente SCCV- ne sont pas concernées.
S’agissant par ailleurs des personnes publiques, lorsque celles-ci acquièrent un logement, elles ne peuvent pas être considérés comme des acquéreurs non professionnel
En revanche, si la qualité de l’acquéreur est déterminante pour l’application du texte, celle du vendeur ne l’est pas. Peu importe que ce dernier soit ou non professionnel. La loi ne s’intéresse qu’à l’acquéreur.
Quid du cas de l’acquéreur substitué : il semble bénéficier de l’ouverture d’un nouveau délai de rétractation s’il entre dans le champ d’application du texte. Si ce dernier se rétracte, l’acquéreur initial qui a bénéficié de ce délai,- sans se rétracter lui-même- serait ainsi engagé !
B- Les actes visés
Dans sa rédaction issue de la loi SRU du 13 décembre 2000, l’article L.271-1 visait expressément « tout acte sous seing privé ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière ».
Le nouvel article L.271-1 issu de la loi ENL du 13 juillet 2006 énonce : « Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation […] ».
La loi ENL a opéré une simplification de la réglementation. Depuis le 17 juillet 2006, la nature du droit dont dispose le candidat acquéreur est identique que l’on soit en présence d’un avant-contrat sous seing privé ou authentique. Désormais, pour tout avant-contrat quelle que soit sa forme, la loi octroie à l’acquéreur un droit de rétractation.
Ce n’est pas pour autant que le délai de réflexion a totalement disparu : il est maintenu lorsque l’opération immobilière n’est pas précédée d’un avant-contrat. En effet, les ventes conclues en la forme authentique sans qu’elles soient précédées d’un avant-contrat ne voient appliquer un délai de réflexion.
Quant à l’objet de l’acte, le législateur de la loi SRU a manifestement songé en premier lieu à la protection de l’achat et de la vente. De ce fait, le verbe acquérir est entendu au sens large ; il s’agit de l’opération par laquelle on devient propriétaire. Ici, la loi ne vise que les opérations réalisées entre vifs et à titre onéreux.
Quant aux avant-contrats, l’article vise expressément la promesse unilatérale de vente et la promesse synallagmatique de vente, mais également le contrat préliminaire à la vente d’immeuble à construire et le contrat préliminaire à la souscription de parts de sociétés d’attribution d’immeubles à usage d’habitation. Les promesses unilatérales de vente comme les promesses synallagmatiques de vente sont des contrats qui ont pour objet l’acquisition d’un immeuble. Cependant, les offres unilatérales de vente, qui ne sont pas des contrats, échappent au dispositif légal de protection, ainsi que les offres d’achat contresignées.
Si une offre d’achat contresignée est suivi uniquement d’un acte authentique de vente, il s’agira d’appliquer au projet d’acte le délai de réflexion, sauf éventuellement si elle est suivie d’un compromis de vente.
CA. Nancy. 1° ch.Civile. 26 mars 2009- RG n° 07/01/013761.
C- Les biens concernés
L’article L.271-1 du CCH protège non pas l’acquéreur immobilier, mais l’acquéreur d’un logement. Ainsi, l’application de cet article est expressément limitée aux immeubles à usage d’habitation. La loi a-t-elle voulu dès lors exclure les immeubles à usage professionnel et d’habitation, qui pourtant suivent généralement le même sort que les immeubles d’habitation ?
La doctrine était partagée quant à l’application du délai de rétractation aux immeubles à usage mixte. Certains estimaient notamment que, concernant l’acquisition d’un immeuble à usage mixte, l’acquéreur « ne répond plus à la définition de l’acquéreur non professionnel puisqu’il achète en partie pour les besoins de sa profession » (M. Dagot). D’autres, au contraire, pensaient que des locaux à usage d’habitation et professionnel étaient soumis à l’article L. 271-1 dans la mesure où ils comportaient un logement.
Dans un arrêt de la troisième chambre civile rendu le 30 janvier 2008, la Haute juridiction a tranché la question (3ème civ. 30 janvier 2008).
L’arrêt retient que «l’article L.271-1 ne mentionnant dans son champ d’application que les immeubles à usage d’habitation, ses dispositions ne sont pas applicables aux immeubles à usage mixte ». La Cour retient une interprétation littérale du champ d’application de l’article L. 271-1 en considérant qu’il ne mentionne que les immeubles à usage d’habitation. Ainsi, seuls les acquéreurs de logement sont protégés.
Concernant les parts de sociétés, elles sont considérées comme des meubles. Elles ne peuvent donc être assimilées à des immeubles ou à des droits réels immobiliers. Le texte vise toutefois la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation. Les autres parts ne sont pas concernées.
Par exemple, les parts des sociétés civiles d’attribution.
Avec l’arrêt du 30 janvier 2008, la jurisprudence a récemment donné une réponse claire qui a éclairci sur un point le champ d’application de l’article L.271-1 de Code de la construction et de l’habitation. De la même façon, la jurisprudence et la doctrine tentent de résoudre les difficultés posées par les modalités de mise en œuvre du délai de rétractation-réflexion.
II- Les modalités de mise en œuvre du délai de rétractation
La mise en œuvre de l’article L.271-1 du CCH concerne essentiellement la notification. Il est nécessaire de bien cerner l’enjeu qui pèse sur la notification. Celle-ci permet de s’assurer de la date certaine pour faire courir le délai de rétractation prévu au profit de l’acquéreur non professionnel. Comme nous l’avons vu, l’intérêt de ce délai est d’éviter à l’acquéreur en cause toute précipitation dans la conclusion d’un acte qu’il l’engage financièrement. Cependant, ce n’est pas tant le délai en lui-même qui pose problème, mais plutôt le commencement de ce délai et la forme qu’il requiert. En effet, la forme de la notification a suscité des interrogations qui ont donné lieu à des précisions générales, à des solutions jurisprudentielles récentes (B). Toutefois, la loi ENL du 13 juillet 2006 et le décret de 2008 ont modifié la définition de la notification (A).
A- Généralités.
Il est recommandé de remettre un exemplaire de l’avant contrat SSP par partie co-contractante. Il y aurait lieu de notifier un original avec ses annexes ou une copie dans laquelle figure les paraphes et signatures originales et les mentions manuscrites originales.
La notification à des époux communs en biens ou séparés de biens et ayant acquis le bien en indivision, si elle est faite par LR AVEC AR, doit être faite aux deux et l’avis de passage doit être signé par les deux- sauf procuration. En cas de d’erreur de la poste, Il est préconisé de notifier l’acte par lettre séparée à chacun des époux.
Cf : Civ 1. 9 juin 2010, n° 09-14503-
Quant aux incapables, il s’agit de le notifier au tuteur dans le cadre de la tutelle, et aux administrateurs légaux dans le cadre de l’administration légale pure et simple ou sous contrôle judiciaire. Il semble établi que dans le cadre de la sauvegarde de justice et la curatelle, la notification doit être effectuée uniquement à l’icapable qui conserve le droit d’exercer ses droits.
Lorsque l’acquéreur réside à l’étranger, il est recommandé pour la notification de l’acte d’établir une élection de domicile ou de ne pas hésiter à effectuer une remise en mains propres.
Il ne faut pas omettre les obligations de traduction en langue étrangère par un traducteur agrée ou amiable et ce par souci de précaution et de sécurisation de l’acte et de la remise de l’avant-contrat, aux acquéreurs.
CA.Montpellier, 1° ch, Section A, 10 novembre 2009, RG n° 08/6851.
Le contenu de la notification en LR AVEC AR, est important- Il faut bien que les termes de la notification informent l’acquéreur des modalités et de la portée de son engagement et sa possibilité de se rétracter. Il n’est pas utile de reproduire strictement la lettre de l’article.
Civ.3°. 16 novembre 2010- pourvoi n° 09-17.297.
Et CA. Montpellier, 1° Ch Sect. A1, 10 nov. 2009 (RG n° 08/6851).
B- La notification de l’acte au cœur du débat jurisprudentiel avant la loi ENL.
Le délai de rétractation confére à l’acquéreur court, selon l’article L.271-1, à compter de la notification de l’acte concerné.
En ce qui concerne les avant-contrats, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte. Cet acte est notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception OU par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de réflexion est exercée dans les mêmes formes.
Issu de loi SRU du 13 décembre 2000, le texte énonce que l’acte doit être « notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise».
L’acte considéré doit donc être notifié à l’acquéreur afin que celui-ci puisse faire jouer son droit de rétractation. C’est cette notification qui pose problème aux praticiens. Il s’agit notamment de définir plus précisément la notion de « moyen présentant des garanties équivalentes ». La question posée de façon constante est de savoir si la remise en mains propres peut constituer un moyen présentant des garanties équivalentes à la lettre recommandée pour la détermination de la date de la remise. Il s’agit de savoir par exemple si une remise en mains propres par un agent immobilier constitue une « garantie équivalente », susceptible de faire courir le délai. Cela revient à s’interroger sur la validité de la notification effectuée par remise en mains propres.
Pour répondre à cette question, il faut bien mesurer le danger que présente une telle remise. C’est ce qui explique la réticence d’une partie de la doctrine et de certaines juges du fond de valider la remise en mains propres en tant que moyen équivalent à la notification par lettre recommandée avec accusé de réception.
Il faut noter que l’exploit d’huissier est un moyen « sur » mais reste couteux.
Les décisions émanant des juges du fond sont partagées quant à la validité de la remise en mains propres. La Cour d’appel de Toulouse et la Cour d’appel d’Aix-en-Provence se sont prononcées contre la possibilité de remise en mains propres (CA Toulouse 1er décembre 2003; CA Aix-en-Provence 15 mai 2007). D’autres au contraire, comme la Cour d’appel de Paris, étaient en faveur de la validité de la remise en mains propres (CA Paris 2 décembre 2004, 15 mars 2007).
La doctrine est abondante mais partagée sur la question, et la jurisprudence tardait à émettre un avis.
Face à ses interrogations, la portée de l’article L.271-1 a fait l’objet d’une réponse ministérielle du 5 octobre 2004 (ESTROSI) qui a précisé que « inspiré de l’article L.211-64 du code de la consommation, applicable au contrat de jouissance d’immeuble à temps partagé, tend à couvrir les hypothèses de notification internationale dans les pays ne connaissant pas la lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’exploit d’huissier est évidemment un moyen présentant des garanties équivalentes, tout comme la remise de l’acte par un notaire ou un officier ministériel qui dresse une attestation de remise de l’acte sous seing privé, signé par lui-même et par le bénéficiaire. En revanche, la remise directe de l’acte contre récépissé par le vendeur lui-même ou l’agent immobilier ne fait pas courir le délai de rétractation car elle n’offre pas, pour la détermination de la date de réception ou de remise, de garanties équivalentes à celle de la lettre recommandée. En effet, l’utilisation de la lettre recommandée prévue par l’article L.271-1 a pour but d’éviter toute fraude et la remise contre récépissé est une technique qui permet d’antidater la remise de l’acte ».
La réponse ministérielle n’a alors validé la remise en mains propres que lorsque celle-ci est effectuée par un notaire ou un officier ministériel et seulement dans cette hypothèse. Elle a donc refusé d’admettre généralement le principe de la validité de la remise en mains propres.
C’est alors que la question a été clairement posée, récemment et pour la première fois, à la troisième chambre civile de la Cour de cassation (3ème civ. 27 février 2008).
Dans cette affaire, l’agence, mandataire des vendeurs, avait remis copie de l’acte sous seing privé à l’acquéreur, le jour de la signature de la promesse, accompagné d’un document rappelant les dispositions de l’article L.271-1. Ce document avait été signé dès sa remise par l’acquéreur, qui avait ultérieurement fait valoir que le délai n’avait pas couru, faute de notification régulière.
Les faits sont les suivants : les époux Vigneron, ayant la société Normandie Investissement comme mandataire, ont conclu une promesse synallagmatique de vente d’un immeuble à M. Fournier. Une copie de cet acte et un document l’informant des dispositions de l’article L.271-1 ont été remis le même jour à l’acquéreur (le 26 mai). Le 3 juillet, M. Fournier s’est désisté de sa promesse. Les juges ont donc dû s’interroger sur la validité de la remise en mains propres de l’acte préliminaire de vente par un professionnel.
La troisième chambre civile a rejeté le pourvoi en retenant que « le document remis le jour de la signature de la promesse de vente par le mandataire du vendeur ne remplissait pas la condition exigée par la loi d’un mode de signification de l’acte présentant des garanties équivalentes à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception pour la date de réception et de remise » et qu’ainsi le délai de sept jours n’avait pas commencé à courir avant la dénonciation de la promesse par l’acquéreur.
La Haute juridiction énonce de façon générale que « la remise de l’acte en mains propres ne répond pas aux exigences de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 ».
La Cour de cassation affirme ainsi très clairement que la notification doit être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou un mode de signification présentant des garanties équivalentes, mais condamne fermement la remise en mains propres.
Cette solution a été confirmée par un arrêt du 18 juin 2008, la Cour reprend : « Qu’en statuant ainsi alors que la remise de l’acte en mains propres ne répond pas aux exigences de l’article L.271-1 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction applicable à l’espèce, ne peut par conséquent faire courir le délai de rétractation, la cour d’appel a violé le texte susvisé» (3ème civ. 18 juin 2008).
Parallèlement au principe de non-validité de la remise en mains propres énoncé par la Cour de cassation, le législateur est intervenu à ce sujet.
B – Une évolution législative marquée par la modification apportée par la loi ENL
L’article L.271-1 vise à s’assurer que l’acquéreur a été correctement informé de l’existence de son droit de rétractation. Dès lors, le texte, même dans sa rédaction actuelle, n’impose aucune condition formelle, comme la reproduction d’un texte légal.
Cependant, la loi ENL du 13 juillet 2006 a modifié les modalités de la notification de l’acte. Cette modification tient à l’ajout d’un alinéa à l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation. Ainsi, la loi précise que « lorsque l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret ».
La loi ENL a expressément consacré le principe de la remise directe de l’acte, tout en réservant la possibilité aux seuls professionnels ayant reçu mandat pour prêter leurs à la vente et en renvoyant le soin de fixer les modalités attestant de la remise de l’acte. Ce décret d’application n’est pas encore intervenu.
Ainsi, la loi reconnaît la validité de la remise en mains propres de l’acte sous certaines conditions. Elle admet donc la possibilité de remettre l’avant-contrat en mains propres contre récépissé.
Rappelons que dans les arrêts vus précédemment, la loi ENL n’est pas applicable, car son entrée en vigueur a été postérieure aux faits de l’espèce.
En conséquence, il semble que les arrêts rendus par la Cour de cassation en 2007 s’opposent au principe de validité de la remise en mains propres, la loi apporte quant à elle une exception.
Reste que les arrêts rendus en 2008 ont favorisé la sortie du décret attendue depuis plus de deux ans.
Le décret n° 2008-1371 du 19 décembre 2008 a imposé en cas de remise en mains propres la mention manuscrite, codifié sous l’article D 271-6 du CCH.
Désormais lorsque la remise s’effectue en mains propres, deux exigences sont désormais requises :
1- Reproduction des dispositions de l’article L 271-1 du CCH relatif aux versements effectués lors de la signature de l’avant-contrat.
2- Et une mention manuscrite reproduite de la main de chacun des acquéreurs :
« Remis par :,à :,le :, et « je déclare avoir connaissance qu’un délai de rétractation de 7 jours m’est accordé par l’article L 271-1 du CCH, et qu’il court à compter du lendemain de la date de remise inscrite de ma main sur le présent acte, soit à compter du « .
Un arrêt rendu par la 3° chambre civile de la Cour de Cassation le 26 janvier 2011 est venu mettre le « feu aux poudres » :
Cet arrêt rendu Epoux X/c Société Canat et Warton est venu semer le doute affirmant dans son dispositif que la remise en mains propres ne répondait pas aux modes de notification visés par l’article L 271-1 CCH et ayant une équivalence avce une LR avec AR.
Les faits : Monsieur X avait acquis aux consorts Y par compromis de vente le 13 septembre 2002- L’avant-contrat lui est remis en mains propres.
La Cour de Cassation estime que la remise en mains propres d’un acte n’ayant pas date certaine (donc enregistré) ne peut pas faire courir le délai de rétractation.
La voie postale- ou le constat d’huissier par extension- est le seul moyen de notification, selon cette décision de la cour suprême.
Il ne s’agit que de l’application de la loi dans le temps aux situations juridiques en cours !
Sur cette question : voir étude de Me Yannick LE MARGUERESSE, JCP.N. n°11, 18 mars 2011, p.25.
III- Des questions pratiques ont trouvé, avec le temps, des réponses :
Pacte de préférence : non-application de l’article L.271-1.
Si l’acte subi des modifications substantielles relatives notamment à l’identification des parties, l’objet du contrat, au prix ou au financement …plus généralement sur une condition déterminante- cause- de l’engagement de l’acquéreur, une nouvelle notification s’imosera avec l’indication de cette modification ou via un avenant.
Ex : omission de l’indication de l’installation de chauffage central ou une erreur sur la source d’énergie , TGI.Strasbourg 3 juin 2008- RG n° 09-00290- Renonciation par l’acquéreur à la conditions suspensive d’obtention d’un prêt,
En cas de signature d’un avant contrat au domicile des particuliers, et avec une superposition du délai de rétractation sur le démarchage à domicile- article L 121-21 du code de la consommation, le délai de l’article L 271-1 CH prévaut car plus avantageux pour l’acquéreur non professionnel d’un bien à usage d’habitation. Il se décompte à compter du lendemain.
Vente d’un garage : un garage n’est pas un immeuble à usage d’habitation.
( attention à la notion d’annexe à un logement principal)
Vente par adjudication : la loi du 17 juillet 2002 a introduit l’article L.271-3 qui énonce que la vente par adjudication ne rentre pas dans le champ d’application du délai de rétractation.
Promesse unilatérale d’achat : rentre dans le champ d’application de l’art L.271-1. En présence d’une telle promesse, délai de rétractation s’applique au promettant puisqu’il s’engage à acquérir.
Si promesse signée puis levée d’option, le délai de rétractation est passé, puis le vendeur baisse le prix de 5%, l’acquéreur peut-il se rétracter à nouveau ? Cela fait-il courir un nouveau délai de rétractation ? Puisque la modification est favorable à l’acquéreur, alors un nouveau délai de rétractation ne court pas. Le délai de rétractation ne renaît pas. Civ .3° 13 février 2008- Epoux Mentec : « l’exercice du droit de rétractation entraîne l’anéantissement rétroactif de l’avant-contrat ».
La computation du délai : aux termes de l’article 642 du Code de Procédure Civile si le délai expire un samedi, un dimanche, ou un jour férié, il doit être prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant à minuit … pb du démarchage à domicile. Le délai court le lendemain de la première présentation de la lettre recommandée par les services postaux.
Par exemple, si une lettre recommandée avec accusé de réception ets présentée le 14 novembre, Les jours de rétractation sont les 15,16,17,18,19,20 et 21 novembre.
Les versements effectués par l’acquéreur : lorsque l’acte est conclu via un professionnel intermédiaire, ayant reçu un mandat de vente ou de recherche, un versement d’un acompte par exemple peut être effectué par l’acquéreur audit professionnel qui bénéficie d’une garantie financière. Si l’acquéreur se rétracte, le rembousement d’effectue dans les 21 jours. Le versement dans la cadre d’une offre unilatérale d’achat est prohibé !
CA. Nancy.2ch.civ. 3 février 201. (RG : 08/02277) : l’agent immobilier ne peut pas percevoir de rémunération avant l’expiration du délai de rétractation.
Le terrain à batir n’est pas concerné par l’application du texte sauf s’il s’agit d’une promesse unilatérale de vente relative à un lot de lotissement- Article L 316-3-1 du Code de l’Urbanisme.
Il est suggéré de notifier l’acte dans le cas de la vente d’un terrain en secteur diffus lorsque l’acquéreur a notamment souscrit un contrat de construction de maison individuelle.